les beautés et les fautes de Shakespeare, où il se montre ce qu'il est dans tous ses ouvrages, toujours riche de pensées, souvent sublime, et quelquefois trivial. J'ai dû, en le traduisant, me reporter à son siècle : que n'ai-je pu emprunter le génie et le style de Corneille! Je regrette que ce volume s'ouvre par ce passage, qui était peut-être le plus difficile à rendre en vers français; je regrette aussi d'avoir été obligé de traduire de nouveau ce que Voltaire a si brillamment mais si infidèlement imité (1). Dans Shakespeare, Hamlet, incertain s'il doit supporter la vie ou se donner la dit : mort, Être ou n'être pas, voilà la question. Voltaire lui fait dire : Demeure, il faut choisir, et passer à l'instant De la vie à la mort et de l'être au néant. ainsi point d'alternative; il faut mourir; Hamlet n'a plus à délibérer. 1) uvres de Voltaire; Kehl, in-8,°, tome 47, page 274. Dans les vers suivans, Voltaire fait parler Hamlet contre la religion et contre le christianisme; ce qui était loin de l'idée de Shakespeare. M. Ducis a imité ce monologue et le suivant (p. 5) dans ses tragédies d'Hamlet (1) et du roi Lear (2). M. Ducis auteur tragique et non traducteur, n'a dû s'astreindre à rendre littéralement ces deux passages. pas Je ne pouvais me dispenser de donner une idée du style de Shakespeare dans la comédie. Ses vers sur LA VIE HUMAINE (page 9) sont tirés de la pièce intitulée: As you like it (Comme vous voudrez). Ils doivent paraître bizarres à des lecteurs français, qui y trouveront, cependant, de la force et de l'originalité. La lyre anglaise commence à rendre des sons plus doux et plus purs dans les mains de Waller. Les stances A UNE (1) Hamlet, acte 3, scène 1. (2) Le roi Lear, acte 3, scène 5. DAME JOUANT DU LUTH (page 13), sont une pièce caractéristique du bel esprit et de la galanterie du règne de Charles II. Voiture et Benserade auraient pu seuls, comme Waller, terminer des vers anacréontiques par l'incendie'de Rome. Le célèbre PANÉGYRIQUE DE CROMWELL (page 15) est le premier monument de la belle poésie anglaise. Le traduire était pour moi un devoir et devint un plaisir. Chaque stance est terminée par une pensée saillante. Peut-être y trouverat-on un trop grand luxe d'idées, trop d'emphase, trop de ce que les anglais nomment bombast. Ce poëme est remarquable aussi par la jactance anglaise qui y domine. Enfin, on le lirait avec plus de plaisir, si Cromwell, qui mérite, d'ailleurs, une partie des éloges que Waller lui prodigue, n'avait été, comme dit Clarendon, a brave wicked man (un brave méchant homme). J'avais traduit plusieurs autres passages de Milton; mais la lutte entre M. Delille et moi eût été trop inégale. J'ai osé,, cependant, conserver le discours de SATAN A BELZÉBUT (page 35). h ? Je demande grâce pour la pièce suivante (page 37), que j'ai dénaturée en mettant, dans la bouche d'un amant qui parle à sa maîtresse, un discours que, dans Milton, Eve adresse à son époux. Ce sont les premiers vers anglais que j'aye traduits, dans un tems où j'étais loin de penser que je dusse un jour entreprendre une Poétique : il n'est pas étonnant, dèslors, que cette imitation ne ressemble point à la traduction de M. Delille qui me paraît charmante. On peut encore trouver des imitations de ces passages de Milton dans Louis' Racine et dans M.me Dubocage. J'ai avoué que je n'aimais point Butler; mais il fallait bien faire connaître son style et så manière (page 41). J'ai choisi une de ces préfaces par lesquelles débutent tous les chants de son poëme d'Hudibras, préfaces inventées par l'Arioste, et imitées par: Voltaire. Les deux satires de Rochester sur L'HOMME (page 45) et sur LE MARIAGE (page 61) sont bien anglaises: la seconde est très-originale; les sentimens en sont tellement exagérés, qu'ils portent avec eux leur correctif. Cette pièce semble être une ironie continuelle; elle se réfute d'elle-même et n'a rien de dangereux. " Dans un ouvrage destiné à donner une juste idée de la poésie anglaise, il était indispensable de placer les deux odes rivales et si célèbres de Dryden (page 69) et de Pope (page 191) sur LA FÊTE DE SAINTE CÉCILE. En les traduisant, j'ai senti combien le génie des deux langues était différent, et je n'espère point avoir fait passer dans mes vers le nombre, la précision et l'énergie des vers anglais. A |